Taïun senseï sur la dynamique du temps.
Chaque instant se déploie au cœur de l’instant.
L’instant n’entrave pas l’instant.
Il laisse la place qu’à lui-même.
La linéarité est l’expression de l’imaginaire.
Le temps perçu comme un cycle nous semble évident, car on passe bien souvent par sa propre conceptualisation. C’est d’ailleurs une croyance très séduisante. Cette notion de cycle comporte néanmoins un piège, comme toute illusion. Cela passe par le fait de croire qu’implicitement la notion même de prédestination existe aussi. Nous avons tendance à omettre que la notion de déterminisme se loge, y compris dans les notions de cycle. Il y a des cycles, car il y a des conditions propices à ce que cela se reproduise. À cause de notre conditionnement à la pensée linéaire, nous voyons les choses comme un cycle, car nous pensons avec un point fixe. En vérité, le temps n’est ni linéaire ni cyclique, sa propriété dynamique fait qu’elle ne va ni dans un sens ni dans un autre.
Rappelez-vous les paroles de maitre Dogen dans le Shobogenzo Uji :
" N'en faites pas du temps une chose de toute force, vous vous mettez dans la tête que le temps se déroule dans une seule direction ; vous ne savez pas que le temps est insondable. Cette vue étroite qui est la vôtre est certes un moment du temps, mais elle ne laisse aucune trace dans le temps. Convaincus que le temps ne fait qu'aller et venir, les sacs de peau que vous êtes sont bien incapables de dire où est, où va et d'où vient ."
Le temps est insondable. De même, il est totalement absurde et dangereux de parler de cycle karmique.
À l’échelle atomique, nous pouvons parler du chaos temporel. Cette forme de chaos à sa propre logique. Car la forme espace-temps s’organise en fonction de l’espace et du temps qui lui est propre.
Pratiquer en comprenant l’intemporalité du temps, c’est pratiquer selon le réel…. Nous sous-estimons grandement l’emprise de nos croyances et déconditionnements du temps dans sa forme linéaire.
À propos de la porte de la simultanéité, de la complétude, de la concordance.
Traité de Li Tongxuan. Sutra de l’entrée de la dimension absolue.
Les phénomènes s'accordent tous simultanément pour accomplir l'unique production interdépendante possible, libre de commencement et de fin (ou d'entrée dans le temps) comme d'avant et d'après (ou de succession temporelle). Leur parfaite complétude les pose tous ensemble, libres, dans le bon sens comme à contre-sens, sans confusion aucune, dans l'indéniable perfection du mystère de l'interdépendance universelle.