Brume des montagnes
Ne se posant jamais,
caressant et masquant
les cimes sans rien troubler.
Ici, brume et nuages se côtoient
et se confondent, les chemins s’effacent,
il est préférable de marcher à tâtons, confiant.
N’ayez crainte de vous perdre,
c’est peut être mieux ainsi.
La réalité se déploie sous nos yeux. L’immédiateté d’un clignement de l’œil ne révèle rien qui ne soit pas déjà là, au cœur du réel, dans l’ordinaire de l’existence. L’instantanéité de la vie est telle, qu’elle peut paraître à nos yeux comme immobile, voire inchangée ; donnant l'impression d'un décor figé dans l’existence et le temps, figé dans nos idées, figé dans nos certitudes. Comme un motif environnant restant à l'identique ou une montagne lointaine qui nous semble inchangée. Ainsi, nous nous égarons à croire que les choses reste semblable à hier. L’illusion et l’ignorance sont à l’œuvre, pour un temps. Mais cette ignorance est le milieu dans lequel tous les Bouddhas ont réalisé cette voie. Ni clair ni obscure.
L’ignorance n'est certes pas lumineuse, mais nous ne pouvons pas non plus la qualifier d’obscurité, sous peine de tomber encore sous le couperet d’une perception dualisme. Ici dans l’instant, il n'y a aucun combat à mener, car cette non-luminosité n'est autre que la clarté fondamentale de l’esprit.
Le ciel n’a que faire des nuages
L’espace est libre de tout
L’esprit n’entrave rien
Aucune poussière ne se dépose.
Quelque chose échappe à notre manière habituelle de penser et d’observer le monde. Nous le savons bien : notre manière de penser actuelle peine à comprendre cette fulgurance de l’instant manifesté. Nous sommes parfois effrayés par son dynamisme et notre besoin de contrôle vient se heurter à l’insaisissable moment. Un instant est immédiat. Il est instantané. Il est si rapide, que l’on ne peut même pas le discerner, ni même le mesurer.
Dès l’instant que l’on commence à penser à l’instant présent, que l’on commence déjà à cogiter dessus, il est déjà passé.
Vent d’été
Jouant avec le carillon.
Il n’y a rien de spécial à regarder ! Une montagne lointaine enveloppée d’une brume matinale, un silence, puis l’absence et la non-absence au même instant. Sans rien rajouter à ce qui est vu, entendu, ressenti et connu.
La réalité du juste ainsi, échappe à notre perception duelle, surtout quand celle-ci convoite des réponses, des solutions, des vérités.
Peut-être faut-il nous fondre dans l’oisiveté, une joyeuse oisiveté, c’est-à-dire non forcée, non fabriquée par nos histoires personnelles, ne cherchant plus, car toute recherche nous éloigne. Il n’y a en réalité rien à trouver, c'est ce qu'on appelle être assis dans le lieu même de la Voie.
Le lieu de la Voie est là où vous êtes, simplement dans l'absence d’opinion.
Juste ainsi, sans rien rajouter ! L'instant tel quel !
Quand réel et irréel ne se manifestent plus à l’esprit,
en l’absence de tout autre élaboration et complication,
cela n’a pas vraiment d’importance.
N'est-ce pas ?
L’apaisement, libre de tout support
et de méthode se manifeste ici même, simplement.
Shikantaza en est l'expression vivante.
Alors, regardant peut-être pour la première fois
d’un œil unique, une question essentielle se pose à nous :
« Qui regarde qui ? »
Zendo Mokudo
Taïun
05/11/22